palladium, cyanotypes et gommes bichromatées les tirages alternatifs
La photographie c’est aujourd’hui d’abord le numérique, mais ce qui l’a précédé existe toujours et reste un terreau d’exploration passionnant. Pourtant la photographie argentique n’a pas été non plus le seul moyen de capter et conserver des images. Il existe encore d’autres procédés dits alternatifs, qui permettent d’autres formes d’expression, plus pictorales. Ces procédés sont notamment les cyanotypes, les platinotypes, les collodions, les gommes bichromatées.
Dans un contexte global dominé par la généralisation des systèmes d’imagerie numérique et la dématérialisation des supports, j’ai trouvé très intéressant d’explorer ces techniques qui nous offrent un autre rapport à l’image et au temps. C’est une interrogation sur le processus de fabrication, la matière, les supports. Ces techniques ont été quasiment abandonnées au XXe siècle, car très gourmandes en temps. Elle demande patience, et n’offre aucune garantie de résultat. Chaque tirage est unique.
La photographie a très vite été définie comme étant l’objectivité, l’instantanéité et la qualité documentaire. J’ai choisi de travailler ces techniques pour présenter des photographies, non pas pour leur prétendue objectivité mais pour leurs matériaux et leurs potentialités plastiques.
Il est important pour moi, entouré d’images vite faites, vite consommées, publiées et vite oubliées, de ralentir le jeu, de prendre du recul et de rechercher le plaisir et l’émotion d’un bel objet photographique.
Je me suis donc plongé dans les grimoires du XIXe siècle, et j’ai exploré plus particulièrement 3 techniques:
LE CYANOTYPE
John HERSCHEL, célèbre astronome, physicien et chimiste (il a découvert l’hyposulfite de sodium qui sert de fixateur) a inventé ce procédé en 1842.
Ce procédé est basé sur la photosensibilité des sels de fer. La feuille de papier est enduite au pinceau d’une solution de citrate d’ammonium ferrique et de ferricyanure de potassium. Après séchage, elle est exposée au soleil sous le négatif (tirage par contact). Après lavage, l’image constituée de sels ferreux a des teintes d’un bleu turquoise – le cyan – qui donne son nom au procédé. Il est possible de modifier cette teinte par un bain de thé, de café ou d’autres substances contenant des tanins.
LE PLATINOTYPE
Le platinotype a été inventé en 1873 par William WILLLIS et commercialisé dès 1879. Le procédé est basé sur la photosensibilité des sels de fer. Le papier est imbibé de sels de platine et de sels de fer avant d’être exposé à la lumière. Dans le révélateur, une image de platine se forme alors que les résidus de fer sont éliminés dans un bain de clarification. Ce procédé permet de réaliser des photographies très stables et d’une grande subtilité dans les variations tonales. Sans liant, l’image s’incruste directement dans le papier dont les fibres restent visibles.
LA GOMME BICHROMATÉE
La gomme bichromatée est un procédé photographique non argentique, inventé vers 1850 par Alphonse Poitevin, puis amélioré en 1858 par John POUNCY puis Joseph Wilson SWAN en 1864.
Une feuille de papier est rendue sensible à la lumière par un mélange de gomme arabique, de bichromate de potassium et d’un pigment. L’exposition se fait aux UV (directement au soleil ou sous une lampe UV).
Le choix du pigment permet d’obtenir des images aux teintes variées et inaltérables. La photographie ne présente pas de fins détails, elle ressemble plutôt à un dessin au fusain ou à la sanguine. En effectuant des tirages successifs sur la même feuille, avec différents pigments, il est alors possible d’obtenir une image qui restitue les couleurs naturelles du sujet photographié
Le papier doit être particulièrement bien bien choisi car il va séjourner plusieurs heures dans des bains d’eau pour le dépouillement de l’image. C’est précisément dans le geste du dépouillement qu’apparaît le caractère singulier de la gomme bichromatée loin du mouvement mécanique et de la reproduction à l’infini. Chaque tirage est ainsi unique.